Agenouillé
sur le lit, il tentait de fermer les paupières de sa victime avec ses
mains rouges de sang, mais en vain. Sitôt la pression de ses doigts lâchée,
sitôt les yeux de celle-ci s’ouvrirent, et ce regard de terreur le pénétra
jusqu’aux tréfonds de son âme. « Je suis désolé, je suis désolé,
c’est un accident » murmurait-il. Il bondit de
son fauteuil et fit les cent pas dans le salon, tête baissée durant
quelques minutes, puis il regardait, par la fenêtre baignée de soleil,
le jardin où fleurissaient des pensées de toute beauté. Mais la gaieté
colorée de ce petit peuple des prairies ne parvint pas à chasser ses
angoisses. Il savait qu’il devait faire face. La vie continuait, malgré
tout. Il tourna le dos à la fenêtre, et en s’approchant du réfrigérateur,
il sentit son estomac protester. Il avait oublié de manger. Une fois de
plus. Il faut dire qu’il n’attachait
pas grande importance à la nourriture, surtout lorsqu’il était
contrarié. Il entreprit de fourrer
une pizza dans le micro-ondes. Il se força
à manger en essayant de ne pas penser à ce qui l’attendait. Sa
fourchette lui échappa des mains et rebondit sur les carreaux de faïence
de la table avec un petit « clac ! » sinistre. Les murs
de la cuisine semblèrent se refermer sur lui dans une sorte de
claustrophobie cauchemardesque. Il comprit qu’il devait fuir. Le soleil
pouvait bien continuer de briller. Pour lui, la nuit commençait. Dans la pièce,
le silence devint oppressant. Le silence était à couper au couteau. Un
silence qui sonnait comme un jugement, songea-t-il, tout en regrettant déjà
de s’être trop épanché. Inutile, par conséquent, de ressasser tous
ces souvenirs. |