Un
paravent à cinq panneaux en soie de chine
illustrant
chacun des scènes érotiques
du Kâma-Sûtra hindouiste dont les cadres en bambous vernissaient de ton
de pavots écarlates. Des doubles rideaux en velours ogres accentuaient le
rouge, des lampes en grès, et la cheminée était décorée d’une
paires de dragons et deux tigres divinement sculptés en ivoire, une tête
de bouddha d’ébène du treizième siècle, où régnait le tout
puissance roi Khmers, Soraya-Vira-man. Deux chaises tapissaient de blanc
et de vert pâle, et le clou de la trouvaille, un long sofa en daim
couleur fauve, où chaque fois quand Jacques passait devant cette chambre,
les souvenirs ranimaient des émotions toujours aussi vivaces et il se
demandait ce qui parviendrait à lui convaincre un jour de vivre à
l’instant présent plutôt que replonger dans le passé. Le chagrin se
cramponnait à lui, le deuil persistait, car renoncer à souffrir, c’était
accepter la mort de sa chère épouse, Lilie (Emilie). Le temps était
pour lui si épouvantable, si cruel et ne pas vouloir s’améliorer. De
temps à autre, il avait du mal à se concentrer, et ses pensées se
mirent à vagabonder. Il eut un pincement au cœur dont il se serait bien
passé en ce moment. Cela faisait plus de huit ans qu’il a perdu Lilie,
et des fois il avait encore l’impression comme si c’était hier. Les
murs paressaient vouloir l’écraser. Le lit, les couvertures, les
oreillers, le sofa qu’adorait s’allonger, s’étendre, se reposer
Lilie, après une longue nuit de garde à l’hôpital du comté,
semblaient lui demander quand reviendrait-t-elle leur douce maîtresse,
leur Lilie bien aimée. Sa voix se brisa et ses
larmes lui montèrent aux yeux.
Il ne voulait plus perdre le contrôle de lui même, pourtant, il en
semblait incapable, et c’était
insupportable. Jacques détournait son regard. Un lourd silence s’était
installé, que seul brisaient les craquements du bois dans l’âcre de la
cheminée de la salle de séjour. _ Vous venez, Jacques !
_ J’arrive, Ricky.
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